Cher Jarvis,
- cgotfried
- Feb 28
- 2 min read

Je pense qu'il est temps que nous nous parlions. Vois-tu, quand tu as décidé d'emménager, à un moment pendant l'automne, je dois admettre que je n'y prêtais pas attention.
Je ne me souviens pas avoir accepté que tu entres chez moi. Tu etais discret, tu n' jamais dit un mot. Il y a eu d'innombrables occasions où tu aurais pu faire connaître ta presence. Tu aurais pu envoyer un petit signal, une petite douleur, une petite alarme.
Non. Tu es entré et tu t'es simplement installé confortablement, dans ce tout petit coin de mon corps, là où le soleil ne brille pas.
Tu as mangé ce que j'ai mangé, tu as bu ce que j'ai bu. Comment était le vin ?
Quand le moment est venu de se comporter comme toute autre population cellulaire bien élevée et de mourir de ta noble mort, tu as décidé de ne pas le faire. Tu as décidé de te multiplier et de coloniser.
On ne m'a pas demandé. On ne m'a rien dit.
Quand les bons médecins ont essayé de faire la lumière sur toi et de voir les degats que tu as causé, tu t'es caché.
Heureusement, à ce moment-là, j'étais attentive. C'est pourquoi je sais que tu es là. Nous t'avons vu une fois, puis nous t'avons revu. Mais tu es insaisissable.
Ils disent que tu es l'un des plus sournois et agressifs qui soient. Pourquoi m'as-tu choisi ?
Cette lettre est pour te dire que ça ne va pas marcher, toi et moi.
Tu as dû remarquer que ces derniers temps l'ambiance au Colette's Motel n'est plus ce qu'elle était. Quand as-tu mangé du bon sucre pour la dernière fois, par exemple ? Pas le meilleur buffet de brunch, n'est-ce pas ?
Tu dois comprendre, j'ai décidé de t'expulser. Je m'efforce donc de rendre l'endroit inhospitalier pour toi.
Bien sûr, mes sucreries, mon vin, mes pâtisseries me manquent autant qu'à toi. Mais je ne craquerai pas. Je vais te faire mourir de faim.
Que penses-tu du menu de la semaine dernière ? Des pousses de brocoli et de la poudre de champignons écrasées dans un smoothie de chou frisé, de gingembre et de curcuma ? Miam...
Tu es libre de partir si tu n'aimes pas ça.
Et les noyaux d'abricots, riches en cyanure, que je t'envoie trois fois par jour ?
Et les longs jeûnes, les thés amers, les compléments alimentaires ?
Au fait, merci, j'ai perdu 9 kg et je peux enfin remettre mon jean camouflage.
Tu as officiellement deux semaines pour partir.
Dans deux semaines, monsieur Armando, un gentil docteur ressemblant à un grand-père va m'ouvrir de haut en bas et te faire sortir d'ici. Armando est gentil et impitoyable, il va te tuer. Il va te gratter, petit à petit, de tous les recoins. Il va effacer tous les souvenirs de toi. Tu ne seras plus.
Et la Reine sera toujours là, avec une nouvelle cicatrice pour raconter l'histoire.
Et tu sais quoi ? Cette cicatrice finira par devenir un magnifique tatouage.
Trouve-toi un autre hôte, Jarvis. De préférence un criminel de guerre, un terroriste ou un tueur en série, quelqu'un qui te méritera vraiment.
La reine a parlé.


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